Les tigres modernes
La réponse « Flight, Fight, or Freeze » dans notre société moderne
J’ai parlé, dans mon précédent article, de la physiologie du stress aigu : physiologie tout à fait normale ayant permis aux Hommes de survivre jusqu’à nos jours; Cette physiologie est conçue pour affronter un danger immédiat, n’est pas faite pour durer, et est suivie d’une longue phase de repos/détente. Si ce stress aigu est tout à fait naturel, cela devient problématique en cas de stress chronique, surtout s’il est perçu de manière désagréable.
De nos jours, il est rare d’affronter un véritable tigre! Eviter une voiture arrivant brusquement dans la rue s’en rapproche. Nous avons, dans notre société moderne française, et dans les grandes lignes, plus de sécurité et d’abondance; nous avons moins d’enjeu de survie immédiate.
Mais les « tigres modernes » sont bien réels; par exemple:
Mais aussi de nature physiologique:
Je ne parle pas ici d’évènements comme des deuils, agressions, hospitalisations pour maladie grave… dont l’impact est beaucoup plus évident; mais de ce stress du quotidien, insidieux, comme un « bruit de fond » permanent, dont nous n’avons pas toujours conscience.
Et notre cerveau ne fait pas la différence entre un vrai tigre et ce qu’il perçoit comme une menace; nous avons conservé la même physiologie que nos ancêtres, mais dans un environnement totalement différent; notre mode survie est activé beaucoup plus que ce que la nature a prévu: en mode « flight or fight » (système sympathique) ou « freeze » (activation du nerf vague dorsal).
Voici ce qui peut se passer:
Physiologie du stress aigu
Impact possible si stress chronique
Etat de vigilance, « fight or flight »
Troubles de mémoire, de concentration, brouillard mental, anxiété
Production de cortisol, diminution de la production de mélatonine*
Troubles du sommeil: insomnie, sommeil non réparateur
Accélération du rythme cardiaque et contraction des vaisseaux sanguins
Augmentation du risque d’hypertension artérielle et de maladie cardiaque
Dilatation des bronches
Respiration courte, aggravation de l’asthme et de maladies pulmonaires obstructives
Sens de la vue et de l’audition sont aiguisés, dilatation des pupilles
Fatigue visuelle, hypersensibilité à la lumière, fatigue auditive, hypersensibilité aux bruits
Contraction des muscles
Tensions musculaires, douleurs notamment du dos et de la nuque, céphalées
Fuite urinaire de magnésium lors de la contraction des muscles
Déficit, voir carence en magnesium, minéral essentiel ayant lui-même une action anti-stress
Accélération de la coagulation du sang
Troubles de la coagulation du sang
Le sang quitte le cortex pour les strcutures plus profondes du cerveau
Fonctionnement du cerveau en mode réflexe et réactif, difficulté pour réfléchir posément
Libération de glucose par le foie, suivie de sécrétion d’insuline
Troubles du métabolisme* des sucres, fringales de sucre, insulinorésistance*, diabète
Stockage de graisse comme réserve et source d’énergie, en prévention d’une éventuelle famine: mécanisme de protection
Augmentation de la graisse, par exemple au niveau du ventre
Ralentissement de la digestion
Douleurs abdominales et digestives, moins bonne assimilation des nutriments essentiels
Ralentissement de l’immunité
Troubles du sytème immunitaire, plus grande sensibilité aux infections, maladies auto-immunes*
Ralentissement de la reproduction et de la sécrétion des hormones sexuelles
Baisse de libido, de fertilité, troubles du cycle menstruel
Ralentissement de la sécrétion des hormones thyroïdiennes
Troubles de la glande thyroïde
Inflammation* aigue après l’épisode de stress, pour réparer les tissus
Inflammation* chronique
Libération de cortisol
Dysfonctionnement de l’axe entre l’hypothalamus et les surrénales, lorsque le cortisol est libéré trop souvent
Blocage du nerf vague dans sa partie dorsale
Fatigue, douleurs chroniques, repli sur soi, sentiment d’être submergé
Il y a donc un véritable lien entre ce stress du quotidien et la biologie de développement d’une maladie chronique (ce n’est pas le seul facteur); maladies chroniques elles-mêmes grandes sources de stress.
Définitions
*Inflammation: première réponse, non spécifique, à une agression du corps (blessure, infection…) se caractérise par les symptômes de rougeur, chaleur, gonflement et douleur. L’inflammation aigüe est un mécanisme essentiel de réparation des tissus. C’est lorsque l’inflammation devient chronique qu’elle peut à l’inverse abîmer des tissus;
*Insuline: hormone sécrétée par le pancréas, qui permet aux cellules d’utiliser le glucose; le glucose non utilisé est stocké dans le foie; l’insuline baisse donc la glycémie;
*Insulino-résistance: « …se définit comme un état de diminution de la réponse cellulaire et tissulaire à l’insuline. Associée à la diminution de la capacité sécrétoire de l’insuline, elle conduit au diabète de type 2 ». (Haute Autorité de Santé, 2006);
*Mélatonine: hormone sécrétée vers 21h jusqu’au matin, et qui favorise l’endormissement; elle fonctionne de manière inversée par rapport au cortisol;
*Métabolisme: utilisation de l’oxygène dans les cellules du corps humain = capacité des cellules à produire de l’énergie à partir de l’oxygène pour faire leur travail (renouvellement des tissus, croissance…);
*Maladies auto-immunes: le système immunitaire est notre système de défense permettant de distinguer le soi du non-soi, et de percevoir le danger des agents auxquels nous sommes exposés; une maladie auto-immune peut se produire lorsque ce système se dérégule; la perception du non-soi et du danger est altérée;
*Perturbateur endocrinien: composé chimique qui ressemble à nos hormones naturelles (comme les oestrogènes), et qui peuvent donc prendre leur place dans nos cellules; perturbant ainsi notre équilibre hormonal. Certains plastifiants (bisphénol A), des ingrédients de cosmétique (parabens), les pesticides en font partie.
Cet article présente une information sur la santé et le stress dans le seul but d’éduquer; cette information ne remplace pas les conseils, diagnostics et traitements de votre médecin, ni les conseils d’un autre professionnel de santé.
Les autres articles
Comprendre la physiologie du stress
Mieux comprendre la physiologie du stress est une première étape pour mieux l’apprivoiser. Ce que je vais vous décrire est ce qui a permis à nos ancêtres de survivre; et nous sommes là aujourd’hui grâce à ces mécanismes de protection remarquablement adaptés aux dangers de leur époque.