Les tigres modernes

La réponse « Flight, Fight, or Freeze » dans notre société moderne

J’ai parlé, dans mon précédent article, de la physiologie du stress aigu : physiologie tout à fait normale ayant permis aux Hommes de survivre jusqu’à nos jours; Cette physiologie est conçue pour affronter un danger immédiat, n’est pas faite pour durer, et est suivie d’une longue phase de repos/détente. Si ce stress aigu est tout à fait naturel, cela devient problématique en cas de stress chronique, surtout s’il est perçu de manière désagréable.

De nos jours, il est rare d’affronter un véritable tigre! Eviter une voiture arrivant brusquement dans la rue s’en rapproche. Nous avons, dans notre société moderne française, et dans les grandes lignes, plus de sécurité et d’abondance; nous avons moins d’enjeu de survie immédiate.

Mais les « tigres modernes » sont bien réels; par exemple:

  • Les transports en commun, la circulation routière au quotidien,

  • La pression de la hiérarchie au travail: « Il manque 2 personnes dans votre équipe aujourd’hui? Bah c’est juste un problème d’organisation! Les remplacer??? Mais quelle idée! »,

  • La pression de l’école pour les petits et les grands, l’organisation familiale au quotidien,

  • Les soucis d’argent,

  • La pression de la société,

  • Notre vécu émotionnel, parfois resté bloqué dans le corps sous forme de traumatismes,

  • Le matraquage des médias, avec des « informations » en boucle, simplistes, sensationnalistes, des débats incompréhensibles sans apporter de réelle solution,

  • Les écrans non stop,

  • La solitude,

  • L’impression de courir après le temps, tenter d’anticiper le futur,

  • L’enfermement: dans la voiture, les transports, au bureau, chez soi, le manque d’espaces verts….

 

Mais aussi de nature physiologique:

  • Les toxines de l’environnement, dont nous sommes inondés, comme les perturbateurs endocriniens*,

  • La pollution sonore +++,

  • L’alimentation ultra transformée, l’hydratation insuffisante,

  • La sédentarité, ou au contraire le sport trop intense,

  • Les interventions chirurgicales,

  • Les infections courantes (virus, bactéries,…).

Je ne parle pas ici d’évènements comme des deuils, agressions, hospitalisations pour maladie grave… dont l’impact est beaucoup plus évident; mais de ce stress du quotidien, insidieux, comme un « bruit de fond » permanent, dont nous n’avons pas toujours conscience.

Et notre cerveau ne fait pas la différence entre un vrai tigre et ce qu’il perçoit comme une menace; nous avons conservé la même physiologie que nos ancêtres, mais dans un environnement totalement différent; notre mode survie est activé beaucoup plus que ce que la nature a prévu: en mode « flight or fight » (système sympathique) ou « freeze » (activation du nerf vague dorsal).

Voici ce qui peut se passer:

Physiologie du stress aigu

Impact possible si stress chronique

Etat de vigilance, « fight or flight »

Troubles de mémoire, de concentration, brouillard mental, anxiété

Production de cortisol, diminution de la production de mélatonine*

Troubles du sommeil: insomnie, sommeil non réparateur

Accélération du rythme cardiaque et contraction des vaisseaux sanguins

Augmentation du risque d’hypertension artérielle et de maladie cardiaque

Dilatation des bronches

Respiration courte, aggravation de l’asthme et de maladies pulmonaires obstructives

Sens de la vue et de l’audition sont aiguisés, dilatation des pupilles

Fatigue visuelle, hypersensibilité à la lumière, fatigue auditive, hypersensibilité aux bruits

Contraction des muscles

Tensions musculaires, douleurs notamment du dos et de la nuque, céphalées

Fuite urinaire de magnésium lors de la contraction des muscles

Déficit, voir carence en magnesium, minéral essentiel ayant lui-même une action anti-stress

Accélération de la coagulation du sang

Troubles de la coagulation du sang

Le sang quitte le cortex pour les strcutures plus profondes du cerveau

Fonctionnement du cerveau en mode réflexe et réactif, difficulté pour réfléchir posément

Libération de glucose par le foie, suivie de sécrétion d’insuline

Troubles du métabolisme* des sucres, fringales de sucre, insulinorésistance*, diabète

Stockage de graisse comme réserve et source d’énergie, en prévention d’une éventuelle famine: mécanisme de protection

Augmentation de la graisse, par exemple au niveau du ventre

Ralentissement de la digestion

Douleurs abdominales et digestives, moins bonne assimilation des nutriments essentiels

Ralentissement de l’immunité

Troubles du sytème immunitaire, plus grande sensibilité aux infections, maladies auto-immunes*

Ralentissement de la reproduction et de la sécrétion des hormones sexuelles

Baisse de libido, de fertilité, troubles du cycle menstruel

Ralentissement de la sécrétion des hormones thyroïdiennes

Troubles de la glande thyroïde

Inflammation* aigue après l’épisode de stress, pour réparer les tissus

Inflammation* chronique

Libération de cortisol

Dysfonctionnement de l’axe entre l’hypothalamus et les surrénales, lorsque le cortisol est libéré trop souvent

Blocage du nerf vague dans sa partie dorsale

Fatigue, douleurs chroniques, repli sur soi, sentiment d’être submergé

Il y a donc un véritable lien entre ce stress du quotidien et la biologie de développement d’une maladie chronique (ce n’est pas le seul facteur); maladies chroniques elles-mêmes grandes sources de stress.

Définitions

*Inflammation: première réponse, non spécifique, à une agression du corps (blessure, infection…) se caractérise par les symptômes de rougeur, chaleur, gonflement et douleur. L’inflammation aigüe est un mécanisme essentiel de réparation des tissus. C’est lorsque l’inflammation devient chronique qu’elle peut à l’inverse abîmer des tissus;

*Insuline: hormone sécrétée par le pancréas, qui permet aux cellules d’utiliser le glucose; le glucose non utilisé est stocké dans le foie; l’insuline baisse donc la glycémie;

*Insulino-résistance: « …se définit comme un état de diminution de la réponse cellulaire et tissulaire à l’insuline. Associée à la diminution de la capacité sécrétoire de l’insuline, elle conduit au diabète de type 2 ». (Haute Autorité de Santé, 2006);

*Mélatonine: hormone sécrétée vers 21h jusqu’au matin, et qui favorise l’endormissement; elle fonctionne de manière inversée par rapport au cortisol;

*Métabolisme: utilisation de l’oxygène dans les cellules du corps humain = capacité des cellules à produire de l’énergie à partir de l’oxygène pour faire leur travail (renouvellement des tissus, croissance…);

*Maladies auto-immunes: le système immunitaire est notre système de défense permettant de distinguer le soi du non-soi, et de percevoir le danger des agents auxquels nous sommes exposés; une maladie auto-immune peut se produire lorsque ce système se dérégule; la perception du non-soi et du danger est altérée;

*Perturbateur endocrinien: composé chimique qui ressemble à nos hormones naturelles (comme les oestrogènes), et qui peuvent donc prendre leur place dans nos cellules; perturbant ainsi notre équilibre hormonal. Certains plastifiants (bisphénol A), des ingrédients de cosmétique (parabens), les pesticides en font partie.

Cet article présente une information sur la santé et le stress dans le seul but d’éduquer; cette information ne remplace pas les conseils, diagnostics et traitements de votre médecin, ni les conseils d’un autre professionnel de santé.

Les autres articles

Comprendre la physiologie du stress

Mieux comprendre la physiologie du stress est une première étape pour mieux l’apprivoiser. Ce que je vais vous décrire est ce qui a permis à nos ancêtres de survivre; et nous sommes là aujourd’hui grâce à ces mécanismes de protection remarquablement adaptés aux dangers de leur époque.